Traitement du purpura thrombopénique immunologique : création d’un anticorps monovalent
En bref ...
A new fusion protein could provide a safe, costefficient alternative therapy for patients with immune thrombocytopenia.
Causé par des anticorps auto-immuns, le purpura thrombopénique immunologique peut être traité par d’autres anticorps issus de la recherche. L’anticorps 3G8, capable de bloquer le récepteur Fc gamma RIII, a par exemple permis de réduire la destruction des plaquettes de plus de 50 % chez des patients ne répondant pas à d’autres traitements. Certains patients ayant présenté des effets indésirables (vomissements, nausée, fièvre), les chercheurs ont créé une version modifiée de cet anticorps. La version modifiée permet bien de limiter la destruction des plaquettes, mais elle réduit également la quantité de globules blancs d’un certain type, ce qui peut entraîner un choc anaphylactique, une réaction allergique grave et potentiellement mortelle.
Les anticorps sont en majeure partie des protéines en forme de Y. Grâce à leur forme, ils sont bivalents, c’est-à-dire qu’ils possèdent deux sites de liaison. Nos chercheurs se sont demandé si une réticulation des anticorps s’était produite dans les études précédentes, c’est-à-dire, si les anticorps se sont liés à plusieurs récepteurs en agissant comme des ponts. Ce phénomène, qui peut avoir des conséquences incontrôlables, pourrait expliquer les effets indésirables. Compte tenu de tout cela, nos chercheurs ont eu l’idée de concevoir un nouveau traitement contre le purpura thrombopénique immunologique.
Comment les chercheurs ont-ils procédé?
Les chercheurs ont mis au point une protéine de fusion obtenue à partir d’anticorps contre le récepteur Fc gamma RIII et l’albumine, une protéine du plasma. Contrairement aux anticorps créés précédemment, cette protéine de fusion est monovalente, c’est-à-dire qu’elle n’a qu’un seul site de liaison. Les chercheurs en ont ensuite créé une version humaine et une version murine (pour souris) similaire. Ils ont réalisé des analyses in vitro, c’est-à-dire en dehors de l’organisme, pour savoir si la protéine pouvait se lier au récepteur Fc gamma RIII et si elle avait des propriétés de liaison similaires à celles des anticorps étudiés précédemment.
Ils ont également cherché à savoir si la protéine murine pouvait servir à traiter le purpura thrombopénique immunologique chez un modèle de souris pertinent sur le plan clinique. Ils ont surveillé l’apparition d’effets indésirables en contrôlant la température corporelle ainsi que la quantité de globules blancs après l’administration de la protéine. Enfin, ils ont créé une version réticulée de la protéine pour savoir si le phénomène de réticulation était à l’origine des effets secondaires survenus précédemment.
Quelles sont les conclusions de l’étude?
La protéine de fusion monovalente humaine s’est liée au récepteur Fc gamma RIII de la même manière que l’anticorps bivalent précédemment étudié, l’anticorps 3G8. La protéine de fusion monovalente murine, quant à elle, s’est avérée de bien meilleure qualité :
- ces qualités supérieures sont en grande partie dues à sa plus grande taille et à sa durée de vie prolongée dans le corps (grâce à la fusion avec l’albumine);
- à l’aide de cette protéine, les chercheurs ont pu atténuer le purpura thrombopénique immunologique causé par les anticorps réagissant contre le récepteur Fc gamma RIII;
- étant inefficace contre le purpura thrombopénique immunologique causé par d’autres récepteurs Fc, cette protéine de fusion cible uniquement le récepteur Fc gamma RIII;
- aucun effet indésirable n’a été observé (aucune modification de la température corporelle);
- la quantité de globules blancs est restée inchangée indiquant qu’il n’y a pas eu de choc anaphylactique;
- la version réticulée de la protéine a fait baisser la température corporelle, ce qui confirme l’hypothèse de départ selon laquelle les effets indésirables étaient dus à la réticulation des anticorps.
Comment utiliser les résultats de cette étude?
Il existe peu de traitements efficaces contre le purpura thrombopénique immunologique, et les taux de réponse à ces traitements varient selon les patients. Cela fait longtemps que le blocage du récepteur Fc est envisagé comme traitement, mais les effets indésirables constatés lors des précédents essais en faisaient une solution non viable pour les patients. Cette nouvelle protéine monovalente fusionnée à l’albumine cible le récepteur Fc gamma RIII, et ce, sans provoquer d’effets secondaires, ce qui en fait un traitement de choix contre le purpura thrombopénique immunologique. De plus, des produits pharmaceutiques utilisant l’association à l’albumine ont récemment été autorisés pour le traitement d’autres maladies, ouvrant ainsi la voie au développement de cette protéine de fusion.
Les immunoglobulines intraveineuses, fabriquées à partir de plasma humain, sont également utilisées pour traiter le purpura thrombopénique immunologique. Malheureusement, le plasma est une ressource limitée et les immunoglobulines intraveineuses sont extrêmement coûteuses. En outre, certains patients ne réagissent pas bien au traitement. La nouvelle protéine de fusion constituerait un choix sûr et plus approprié pour les patients. Elle permettrait également d’avoir moins recours aux immunoglobulines intraveineuses et, donc, de réduire les coûts pour le système de santé. Enfin, elle pourrait s’avérer efficace contre d’autres maladies mettant en cause le récepteur Fc gamma RIII.
À propos de l’équipe de recherche
Xiaojie (Ben) Yu détient une bourse de recherche postdoctorale de la Société canadienne du sang et fait partie de l’équipe d’Alan Lazarus. Chercheur à la Société canadienne du sang et enseignant en médecine, en médecine de laboratoire et en pathobiologie à l’Université de Toronto, Alan Lazarus est en outre membre du Toronto Platelet Immunology Group, au centre de recherche en sciences biomédicales Keenan de l’Hôpital St.-Michael’s, à Toronto. William Sheffield est directeur adjoint et chercheur principal au Centre d’innovation de la Société canadienne du sang, et enseigne dans le département de pathologie et de médecine moléculaire de l’Université McMaster, à Hamilton. Faisaient également partie de l’équipe de recherche, les membres des laboratoires d’Alan Lazarus et de William Sheffield, ainsi que les collaborateurs du groupe de recherche sur l’immunologie de Budapest, en Hongrie.
Le contenu du présent concentré de recherche est tiré de la publication suivante
[1] Yu X, Menard M, Prechl J, Bhakta V, Sheffield WP, Lazarus AH. Monovalent Fc receptor blockade by an anti-Fcγ receptor-albumin fusion protein ameliorates murine ITP with abrogated toxicity. Blood 2015.
Remerciements : Cette étude a bénéficié du soutien financier des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et de la Société canadienne du sang, elle-même financée par les ministères fédéral (Santé Canada), provinciaux et territoriaux de la Santé. Les opinions exprimées dans le présent bulletin ne reflètent pas nécessairement celles du gouvernement du Canada. Xiaojie Yu détient une bourse de recherche postdoctorale de la Société canadienne du sang. Ce Concentré de recherche a été préparé par Naadiya Carrim, récipiendaire d’une bourse de recherche postdoctorale de la Société canadienne du sang et basée à Toronto.
Mots-clés : purpura thrombopénique immunologique, plaquettes, récepteur Fc, anticorps, albumine, traitement, médicament.
Vous voulez en savoir plus? Communiquez avec Alan Lazarus, par courriel, à LazarusA@smh.ca.
Le bulletin concentré de recherche est un outil de mobilisation des connaissances élaboré par le Centre d’innovation de la Société canadienne du sang.