L’inactivation des agents pathogènes pour des transfusions sanguines plus sécuritaires : quelles sont les limites?
En bref ...
On sait que l’inactivation des agents pathogènes améliore la sécurité de la transfusion sanguine, mais elle a des répercussions sur la qualité. Davantage de recherche doit être effectuée pour déterminer la meilleure approche à adopter afin d’assurer la sécurité et d’optimiser la qualité des composants sanguins.
Plusieurs nouvelles technologies visant à réduire la contamination, soit l’inactivation des agents pathogènes (IAP), ont récemment été mises au point et ont contribué à l’amélioration de la sécurité des transfusions. Généralement, les dons de sang total sont fractionnés en plusieurs composants sanguins après leur collecte. La méthode d’extraction de la couche leucoplaquettaire, l’un des processus utilisés par la Société canadienne du sang, donne trois composants : plaquettes, globules rouges et plasma. Ces composants peuvent être transfusés séparément aux patients quand ils en ont besoin. Avant d’effectuer la transfusion, on inactive les agents pathogènes par des rayons ultraviolets (UV) avec ou sans substance photosensibilisante.
Les rayons UV endommagent les acides nucléiques (ADN et ARN) qui contiennent l’information génétique des cellules. Lorsque ses acides nucléiques sont endommagés, un agent pathogène ne peut plus se reproduire ni engendrer de maladie. L’IAP protège contre les agents pathogènes connus et « émergents » en plus de détruire les globules blancs résiduels pouvant causer des complications relatives à la transfusion. Cependant, les composants sanguins contiennent des acides nucléiques et des travaux antérieurs ont démontré que l’IAP peut endommager le plasma et les plaquettes.
On en sait très peu sur les effets de l’IAP sur les globules rouges. Les chercheurs ont examiné la méthode d’IAP par les rayons UV et la riboflavine. Plutôt que de soumettre les composants sanguins individuellement à l’IAP, ils ont traité le sang total, avant de le fractionner pour analyser la qualité de ses trois composants.
Comment les chercheurs ont-ils procédé?
En tout, 48 unités de sang total ont été prélevées chez des donneurs. La moitié des unités de sang total ont été soumises à l’IAP et l’autre moitié n’ont pas été traitées. Des globules rouges, du plasma et des plaquettes ont été extraits du sang total traité et du sang total non traité. Les plaquettes tirées du sang total non traité ont ensuite été soumises à l’IAP. La qualité de tous les composants était contrôlée durant leur entreposage à l’aide de tests en laboratoire normalisés.
- Les globules rouges et le plasma issus du sang total soumis à l’IAP ont été comparés à ceux du sang total non traité.
- Les chercheurs voulaient également comprendre les effets de l’IAP sur les plaquettes. Ils ont donc comparé les plaquettes issues du sang total traité aux plaquettes traitées après avoir été extraites du sang total non traité.
Quelles sont les conclusions de l’étude?
- TLa qualité des globules rouges provenant du sang soumis à l’IAP a diminué plus rapidement que celle des globules rouges du sang non traité. À la fin de la période d’entreposage (42e jour), le nombre moyen de globules rouges éclatés (hémolyse) était supérieur à 0,8 % dans les concentrés érythrocytaires produits à partir du sang total traité et dépassait donc la limite fixée par l’Association canadienne de normalisation.
- Le plasma provenant du sang total soumis à l’IAP présentait une diminution du niveau d’activité de 3 % à 44 % pour plusieurs facteurs de coagulation.
- Les plaquettes extraites du sang total soumis à l’IAP étaient de bien meilleure qualité que celles qui avaient été directement traitées. Cependant, comparativement aux concentrés plaquettaires non traités, les plaquettes traitées étaient de moins bonne qualité, que l’IAP ait été pratiquée sur le sang total ou après leur extraction.
En général, les composants du sang total traité ne répondaient pas aux critères de qualité de l’Association canadienne de normalisation. Toutefois, ces normes se basant sur des composants non traités, elles ne valent pas nécessairement pour les produits soumis à l’IAP. On sait que l’IAP entraîne une perte de qualité du plasma et des plaquettes, mais elle ne semble pas avoir de répercussions sur les transfusés. On ignore en revanche si elle diminue l’efficacité des concentrés érythrocytaires.
Comment utiliser les résultats de cette étude?
Il s’agit de la première étude à présenter un aperçu de la qualité de tous les composants produits à l’aide de la méthode d’extraction de la couche leucoplaquettaire suivant le traitement d’IAP du sang total à l’aide de rayons UV et de la riboflavine. Les résultats montrent que le traitement endommage les composants sanguins même lorsqu’il est effectué sur le sang total avant la séparation des composants. Pour ce qui est des plaquettes, les dommages sont moins importants lorsqu’on procède au traitement sur le sang total qu’après l’extraction des plaquettes. Cette différence est probablement attribuable à l’hémoglobine, une protéine contenant du fer qui se trouve dans les globules rouges.
L’hémoglobine peut absorber une partie des rayons UV et, lorsque le sang total est traité, peut réduire la dose reçue par les plaquettes. Malgré cela, on sait que le traitement du sang total est aussi efficace contre les agents pathogènes que le traitement direct des plaquettes. Des essais cliniques sont en cours aux États-Unis, en Europe et en Afrique pour étudier les répercussions du traitement du sang total sur l’efficacité des transfusions. Les résultats en laboratoire de cette étude devraient aider les chercheurs à interpréter les résultats des essais cliniques.
Des études comme celleci éclairent les décisions de la Société canadienne du sang à propos de la façon dont l’IAP peut être utilisée pour fournir des composants sanguins sûrs et efficaces pour la transfusion. Davantage de travaux de recherche sur ce sujet ainsi que d’autres méthodes d’IAP doivent être effectués avant qu’une décision puisse être prise sur la meilleure façon d’assurer une sécurité maximale et une qualité de produit optimale.
À propos de l’équipe de recherche
Dana V. Devine est chef des affaires médicales et scientifiques de la Société canadienne du sang, scientifique du centre d’innovation de la Société canadienne du sang et professeure au département de pathologie et de médecine de laboratoire de l’Université de la Colombie-Britannique. Cette étude a été menée dans son laboratoire sous la direction de Peter Schubert, chercheur adjoint du centre d’innovation de la Société canadienne du sang, et professeur agrégé au département de pathologie et de médecine de laboratoire de l’Université de la Colombie-Britannique. Katherine Serrano et Elena Levin sont respectivement chercheuse adjointe et adjointe à la recherche au centre d’innovation de la Société canadienne du sang, et affiliées au département de pathologie et de médecine de laboratoire de l’Université de la Colombie-Britannique. Brankica Culibrk, Simrath Karwal et Daniel Bu travaillent au laboratoire de Dana Devine. William P. Sheffield est directeur associé de la recherche et scientifique au centre d’innovation de la Société canadienne du sang, et professeur de pathologie et de médecine moléculaire à l’Université McMaster à Hamilton, en Ontario. Varsha Bhakta est adjointe à la recherche dans le laboratoire de William Sheffield à l’Université McMaster. Les travaux ont été effectués en collaboration avec Raymond P. Goodrich, vice-président des affaires scientifiques et cliniques à TerumoBCT, Lakewood, au Colorado.
Le contenu du présent concentré de recherche est tiré de la publication suivante
[1] Schubert P, Culibrk B, Karwal S, Serrano K, Levin E, Bu D, Bhakta V, Sheffield WP, Goodrich RP, Devine DV : Whole blood treated with riboflavin and ultraviolet light: quality assessment of all blood components produced by the buffy coat method. Transfusion, 2014; doi:10.1111/trf.12895
Remerciements : La Société canadienne du sang remercie les donneurs de sang qui ont participé à cette étude. La réalisation de ces travaux a été rendue possible grâce à une subvention de TerumoBCT et du centre d’innovation de la Société canadienne du sang, financé par les ministères de la Santé des gouvernements fédéral (Santé Canada), provinciaux et territoriaux. Les opinions exprimées dans le présent bulletin ne reflètent pas nécessairement celles du gouvernement du Canada.
Mots-clés : Composants sanguins, inactivation des agents pathogènes, qualité, plaquettes, globules rouges, plasma.
Pour en apprendre d'avantage? Communiquer avec Peter Schubert à peter.schubert@blood.ca.