Les IgIV injectent une dose d’espoir dans le traitement du TRALI
En bref ...
D’après une recherche faite en laboratoire, l’administration d’IgIV, traitement actuellement utilisé pour soigner
diverses maladies, pourrait réduire la gravité des réactions associées au TRALI.
Souvent, on ne sait pas pourquoi un patient développe le TRALI et il reste encore beaucoup à apprendre sur la façon dont cette réaction se produit. Lorsqu’un patient présente des symptômes associés au TRALI, on arrête la transfusion et on lui prodigue des soins de soutien (p. ex., un apport en oxygène pour l’aider à respirer). Malheureusement, il n’existe aucun traitement efficace contre cette réaction potentiellement mortelle.
Les immunoglobulines intraveineuses (IgIV), médicament dérivé du plasma, sont utilisées dans le traitement de nombreuses maladies, en particulier de maladies auto-immunes. On a rapporté très peu de cas de patients ayant développé le TRALI après un traitement aux IgIV. Étant donné la rareté de ces cas et la fréquence d’utilisation des IgIV, le lien entre le TRALI et les IgIV est peu clair. Fait intéressant, on ne sait pas exactement comment fonctionnent les IgIV, mais on sait qu’elles sont utiles dans les troubles caractérisés par des réactions des anticorps et une inflammation. Comme le TRALI est associé aux anticorps, les chercheurs ont émis l’hypothèse que les IgIV puissent s’avérer efficaces pour prévenir ou supprimer le TRALI. Ils ont vérifié cette hypothèse en laboratoire et ont obtenu des résultats surprenants.
Comment les chercheurs ont-ils procédé?
Les chercheurs ont testé leur théorie en utilisant des souris de laboratoire. L’injection chez la souris d’un anticorps appelé « 34-1-2S » provoque des symptômes qui s’apparentent à une réaction caractéristique du TRALI, dont un choc (mesuré en fonction d’une baisse de la température corporelle), des lésions pulmonaires (révélées par un excès d’eau dans les poumons) et parfois la mort. Les chercheurs ont utilisé deux types de souris, soit des souris ayant un système immunitaire sain et des souris ayant un système immunitaire faible. Après l’injection du 34-1-2S, on a observé chez les deux types de souris une baisse de la température corporelle et d’autres symptômes. Les symptômes étaient moins marqués chez les souris ayant un système immunitaire sain et leur température corporelle a remonté après quelques heures.
Ces symptômes légers ressemblent beaucoup à ceux d’une difficulté respiratoire similaire au TRALI chez l’humain, la dyspnée posttransfusionnelle (DPT). Chez les souris au système immunitaire faible, les symptômes étaient plus marqués et ressemblaient fort à ceux du TRALI. Pour déterminer l’effet du traitement aux IgIV chez ces souris, les chercheurs ont utilisé deux approches. Tout d’abord, ils ont vérifié si l’injection d’IgIV 18 heures avant l’injection de 34-1-2S pourrait prévenir le TRALI. Deuxièmement, ils ont tenté de déterminer si le traitement aux IgIV pourrait protéger les souris déjà en proie à une réaction caractéristique du TRALI. À cette fin, ils ont injecté les IgIV dès l’observation des premiers symptômes du TRALI.
Quelles sont les conclusions de l’étude?
- Chez la souris, le traitement préalable au moyen d’IgIV a prévenu entièrement les symptômes associés à la DPT et au TRALI, notamment un choc, des lésions pulmonaires et la mortalité.
- Quand les IgIV ont été administrées après l’apparition des premiers symptômes du TRALI, on a malgré tout observé un choc. Toutefois, le traitement aux IgIV a réduit les lésions pulmonaires et la mortalité chez les souris ayant un système immunitaire faible.
- Les chercheurs ont aussi tenté d’expliquer pourquoi les IgIV réduisent la gravité des réactions associées au TRALI. Selon les résultats, l’administration d’IgIV empêcherait les neutrophiles présents dans les poumons de libérer des substances nuisibles (appelées « espèces réactives de l’oxygène » [ERO]). Le traitement aux IgIV limite ainsi l’étendue des lésions pulmonaires.
Comment utiliser les résultats de cette étude?
Cette étude corrobore l’hypothèse des chercheurs selon laquelle l’administration d’IgIV pourrait traiter le TRALI. Ses implications sont multiples pour les patients qui reçoivent une transfusion. Les chercheurs ont découvert que chez les souris, le traitement préalable aux IgIV permettait de prévenir complètement les symptômes similaires à ceux de la DPT et du TRALI. Chez l’humain, le traitement préalable aux IgIV n’est généralement pas possible, car nous ne savons pas toujours à l’avance quand un patient aura besoin d’une transfusion ou développera une réaction associée au TRALI. Toutefois, selon les résultats, certains types de patients à risque pourraient bénéficier d’un traitement aux IgIV avant de subir une intervention chirurgicale non urgente. Qui plus est, toujours d’après l’étude, une fois qu’une réaction associée au TRALI se développe et qu’un patient présente des symptômes, l’administration d’IgIV peut aider à empêcher que la réaction s’aggrave, voire qu’elle devienne mortelle.
La perspective que le traitement aux IgIV puisse réduire la gravité des symptômes associés au TRALI est d’autant plus intéressante qu’on ne dispose actuellement d’aucun traitement pour les patients qui présentent ces symptômes. Comme cette étude a porté sur des souris, il faut cependant recueillir des données scientifiques supplémentaires pour voir si l’effet serait le même chez l’humain. Jusque-là, ce traitement demeure expérimental. Toutefois, pour les médecins qui ont des patients susceptibles de développer le TRALI et qui ont désespérément besoin d’une solution, il vaut certainement la peine de s’attarder à cette étude.
À propos de l’équipe de recherche
Le Dr John Semple est un chercheur associé à la Société canadienne du sang. Il est également chercheur au Centre de recherche Keenan, rattaché à l’Institut du savoir Li Ka Shing de l’hôpital St. Michael’s, et professeur de pharmacologie, de médecine, de médecine de laboratoire et de pathobiologie à l’Université de Toronto. Le Dr Alan Lazarus est chercheur au Centre d’innovation de la Société canadienne du sang établi à Toronto. Il est également professeur de médecine, de médecine de laboratoire et de pathobiologie à l’Université de Toronto et chercheur au Centre de recherche Keenan rattaché à l’Institut du savoir Li Ka Shing de l’hôpital St. Michael’s. Michael Kim, Jing Hou, Mark McVey et Young Jin Lee travaillent au laboratoire du Dr Semple et Zhong-Wei Chai a travaillé à celui du Dr Lazarus. Arata Tabuchi travaille au laboratoire du Dr Wolfgang M. Kuebler au Centre de recherche Keenan rattaché à l’Institut du savoir Li Ka Shing de l’hôpital St. Michael’s.
Le contenu du présent concentré de recherche est tiré de la publication suivante
[1] Semple JW, Kim M, Hou J, McVey M, Young JL, Tabuchi A, Kuebler WM, Chai A, Lazarus AH. Intravenous Immunoglobulin Prevents Murine Antibody-mediated Acute Lung Injury at the Level of Neutrophil Reactive Oxygen Species (ROS) Production. PLoS One 2012; 7(2): e31357. doi:10.1371/journal.pone.0031357
Remerciements : Cette étude a reçu le soutien financier des Instituts de recherche en santé du Canada et de la Société canadienne du sang (financée par les ministères de la Santé provinciaux et territoriaux).
Mots clés : Réactions à une transfusion, syndrome respiratoire aigu post-transfusionnel (TRALI), immunoglobulines intraveineuses (IgIV), dyspnée post-transfusionnelle (DPT)
Pour en savoir plus? Communiquez avec le Dr John Semple à semplej@smh.ca ou avec le Dr Alan Lazarus à lazarusA@smh.ca.