L’administration d’albumine par voie intraveineuse ne conduit pas à de meilleurs résultats chez les personnes subissant des opérations cardiaques
En bref ...
Bien que l’administration d’albumine humaine soit courante en chirurgie cardiaque, elle ne semble pas avoir d’avantages cliniques particuliers par rapport à l’administration de cristalloïdes seuls.
Comment les chercheurs ont-ils procédé?
Les chercheurs ont réalisé une analyse a posteriori d’une large étude clinique randomisée et contrôlée menée dans onze hôpitaux canadiens (Effect of Fibrinogen Concentrate vs. Cryoprecipitate on Blood Component Transfusion After Cardiac Surgery ou l’étude FIBRES). Pour ce faire, ils ont étudié les pratiques d’administration d’albumine chez des patients à haut risque sujets à d’importantes hémorragies après une opération cardiaque :
- 735 patients faisaient l’objet de l’analyse préliminaire;
- Aucun changement n’a été apporté aux pratiques transfusionnelles et de régulation de l’équilibre hydrique habituelles des établissements;
- Des modèles statistiques à multiples variables ont été utilisés pour évaluer l’impact de l’administration d’albumine, qu’elle soit faite en salle d’opération ou dans les 24 heures suivant l’opération, sur les risques (1) de mortalité à 28 jours, toutes causes confondues; (2) d’insuffisance rénale aiguë résultant en un doublement du taux de créatinine sérique ou en la nécessité d’une dialyse dans les 28 jours suivant l’opération; et (3) de retour en salle d’opération pour cause d’hémorragie. L’âge des patients, leurs comorbidités et d’autres facteurs chirurgicaux ont été pris en compte dans l’analyse.
Quelles sont les conclusions de l’étude?
Bien que la plupart des patients (71 %), tous hôpitaux confondus, aient reçu de l’albumine comme stratégie de régulation de l’équilibre hydrique au moins une fois pendant leur séjour, ce taux varie entre 4,8 % et 97,4 % selon les hôpitaux. Pendant les 24 premières heures de leur séjour, les patients ont été plus susceptibles de recevoir de l’albumine en salle d’opération, s’ils étaient de sexe féminin ou s’ils avaient été hospitalisés avant leur opération. Ensuite, entre 24 heures et 7 jours après l’opération, les patients ont été plus susceptibles d’en recevoir s’ils en avaient déjà reçu pendant les 24 heures suivant l’opération, s’ils étaient âgés, s’ils avaient fait de l’insuffisance cardiaque avant ou après l’opération, s’ils présentaient des saignements plus importants après l’opération et s’ils avaient été hospitalisés avant leur opération. L’administration d’albumine pendant l’opération ou dans les 24 heures suivant l’opération n’a montré aucune incidence sur les risques de mortalité à 28 jours, toutes causes confondues, d’insuffisance rénale, de retour en salle d’opération pour cause d’hémorragie, ni sur la durée du séjour en soins intensifs ou à l’hôpital.
Comment utiliser les résultats de cette étude?
Cette étude suggère que l’administration d’albumine en plus de cristalloïdes n’offre aucun avantage clinique post-chirurgical pour les patients à haut risque subissant une opération cardiaque. Cette absence d’avantage a d’ailleurs été relevée dans le cadre de nombreux autres essais cliniques réalisés avec des patients en soins intensifs. Compte tenu de cela, il serait bon que les professionnels de la santé revoient les raisons pour lesquelles ils administrent de l’albumine aux patients en chirurgie cardiaque et qu’ils essaient de ne pas y avoir systématiquement recours puisque d’autres options, qui présentent l’avantage de ne pas être des produits sanguins, sont facilement accessibles. Enfin, il conviendrait de réaliser une large étude randomisée, contrôlée et définitive afin de déterminer une fois pour toutes le rôle de l’administration d’albumine en chirurgie cardiaque.
À propos de l’équipe de recherche
Cette étude a été dirigée par la Dre Justyna Bartoszko, la Dre Ciara Hanley, la Dre Jeannie Callum et le Dr Keyvan Karkouti. Justyna Bartoszko est anesthésiste-réanimatrice (Hôpital général de Toronto) et chercheuse en médecine clinique (Université de Toronto). Ciara Hanley effectuait un postdoctorat en médecine clinique à l’Université de Toronto et est maintenant anesthésiste à l’University Hospital Galway, en Irlande. Jeannie Callum est spécialiste en médecine transfusionnelle et hématologue au Centre des sciences de la santé de Kingston et professeure de pathologie et de médecine moléculaire à l’Université Queen’s; elle est également responsable du programme de recherche QUEST sur la transfusion, à l’Université de Toronto. Keyvan Karkouti est professeur d’anesthésiologie à l’Université de Toronto et chef de l’anesthésiologie et de la gestion de la douleur au Réseau universitaire de santé, au Système de santé Sinaï et à l’hôpital Women’s College.
Le contenu du présent concentré de recherche est tiré de la publication suivante
Hanley C, Callum J, McCluskey S, et al. Albumin use in bleeding cardiac surgical patients and associated patient outcomes. Can J Anaesth. 2021 Oct;68(10):1514-1526. English. doi: 10.1007/s12630-021-02070-7. Epub 2021 Jul 26. PMID: 34312823.
Auteur : Le présent Concentré de recherche a été rédigé par Justyna Bartoszko.
Remerciements : L’étude FIBRES a bénéficié d’un soutien financier de la Société canadienne du sang (Programme de subventions pour la recherche en médecine transfusionnelle), du gouvernement fédéral (Santé Canada) et des ministères de la Santé provinciaux et territoriaux. Les opinions exprimées dans le présent document ne reflètent pas nécessairement celles de la Société canadienne du sang ou des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux du Canada.
Mots-clés : albumine, cardiologie, réanimation
Vous voulez en savoir plus? Contactez Jeannie Callum, à Jeannie.Callum@KingstonHSC.ca.
Intravenous albumin is not associated with improved outcomes in cardiac surgery patients (PDF)
Le bulletin Concentré de recherche est un outil de mobilisation des connaissances élaboré par le Centre d’innovation de la Société canadienne du sang et est disponible à sang.ca.